[Réflexion] Le jeu vidéo, vecteur d’émotions

thebegginnersguide

On dit souvent d’un excellent film qu’il nous a tiré une larme. D’un très bon album de musique qu’il nous fait dresser les poils sur les bras. Qu’un tableau ou une oeuvre d’art nous a ému. Mais que dit-on d’un jeu vidéo ? Qu’il est bien, ou non d’ailleurs. Qu’on y a passé des heures, qu’il est difficile, ou encore qu’il a des graphismes à couper le souffle. Mais dit-on souvent qu’il nous a touché ? Le média est-il incapable de véhiculer des émotions ?

La réponse est évidemment non. Quiconque a jamais touché à un jeu vidéo autre qu’un FPS ou un puzzle-game sait que jouer, c’est aussi se laisser conter une histoire, qui, si elle est bien écrite, peu générer divers sentiments chez le joueur. Et pourtant, rares sont les jeux dont on parle uniquement pour leurs qualités narratives. Beaucoup vous diront qu’un jeu comme The Last of Us les a touché car sa narration, proche de celle d’un film, sait nous parler et tirer sur les bonnes ficelles, c’est un fait. Mais pour autant, si on se souvient de ce jeu, c’est bien parce qu’il est sorti du lot, car 99% des productions modernes ne cherchent pas tant les émotions profondes que le grand spectacle ou simplement la frénésie qui accompagne la découverte d’un nouveau jeu.

Mais dans ce 1% restant, il existe pourtant des titres à contre-courant, qui cherchent avant tout à nous sortir de notre torpeur d’exécutant pour mieux nous ouvrir les yeux et réveiller nos émotions. Prenons l’exemple du récent The Beginner’s Guide. Attendu au tournant car son prédécesseur, The Stanley Parable, nous avait fait mourir de rire, il a pris tout le monde de court en n’ayant strictement rien d’un jeu comique. Bien au contraire, dès le départ et la manière dont le joueur se retrouve prisonnier du narrateur (contrairement à son ainé qui pousse le joueur à désobéir dès les premières secondes), une certaine tension s’installe. Au long des deux heures de jeu (à peine plus qu’un film) cette tension s’accentue au point de provoquer un véritable malaise chez le joueur. Impossible d’y résister, impossible également d’arrêter le jeu tant on veut en connaitre la fin. Et une fois cette fin arrivée, le générique déroulé et le jeu fermé, impossible de ne pas y repenser. Car au cours de ces deux heures, le joueur est passé par toute la palette d’émotion, du rire aux larmes. Le malaise persiste, les questions se bousculent dans la tête et cette impression d’avoir vécu quelque chose, tout en ne bougeant pas de son siège, se fait de plus en plus sentir.

On dira donc ce qu’on veut des films, de la musique et des œuvres d’art, mais le jeu lui aussi, est bien capable d’émouvoir. A ceci près qu’à l’instar de The Beginner’s Guide, il peut aussi perdre complètement son caractère de jeu. En effet pour garder cet exemple, on pourrait presque vivre le jeu sur un rail sans jamais devoir interagir pour en voir le bout. Mais ce qui pourrait être un défaut a aussi son avantage : il devient alors tout à fait aisé de partager l’aventure avec un spectateur, au sens premier du terme. Mais alors, de cette façon, le jeu ne nous replonge-t-il pas dans la torpeur dont il ambitionnait pourtant de nous sortir ? Ce serait oublier tout le cheminement que nos émotions ont traversé. Nos réflexes et même nos doigts n’ont peut-être pas été sollicités, mais le cerveau lui n’a pas eu une seconde de répit pour gérer toutes ces images et ces questionnements qui ont fait surface.

Il y a des jeux qui jalonnent la carrière d’un joueur parce qu’ils l’ont marqué d’une façon ou d’une autre, mais on parle rarement de ceux qui nous ont véritablement ému, tout simplement parce qu’ils sont encore trop rares. Pourtant, et la scène indépendante parvient à le montrer, l’expérience est réalisable et concluante. Encore faut-il avoir quelque chose à raconter…Ritz

Laisser un commentaire